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dain surgir une tête endormie, malpropre et dépeignée. Ce fut un rire général parmi les ouvriers. L’homme était enfermé dans la caisse où il avait cuvé son vin, et n’en pouvait plus sortir. Il se dépensait en vains efforts et finit par prier qu’on allât lui chercher un certain outil. Cela mit l’assistance en joie.

Il est des natures que les spectacles grotesques ravissent, sans qu’elles sachent trop pourquoi. Le gros hobereau était de ces gens-là. Peu à peu, son faciès sévère et taciturne se détendit, s’adoucit, exprima la gaieté et se rasséréna complètement.

— Mais n’est-ce pas Vassiliev ? demanda-t-il avec compassion. Comment se trouve-t-il là-dedans ?

— Oui, oui, Monsieur, c’est Vassiliev ! cria-t-on de tous côtés.

— Il a bu, Monsieur, fit un grand ouvrier sec, et de figure sévère qui prétendait jouer un rôle prépondérant parmi ses camarades. Il a bu. Depuis trois jours, il a quitté son patron et il se cache ici. Et voici qu’il réclame son dernier outil ? Qu’en veux-tu faire, tête vide ? Il veut l’engager.

— Archipouchka, l’argent est comme l’oiseau : il s’en vient et il s’en va. Laisse-moi aller chercher