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succès et puis, tout à coup, après un assez long silence, je reçus une étonnant épître, très différente des précédentes, bourrée de bizarres sous-entendus, de contradictions incompréhensibles au premier abord. Il était évident qu’elle avait été écrite sous l’empire d’une extrême agitation.

Une seule chose y était claire, c’est que mon oncle me suppliait presque d’épouser au plus vite son ancienne pupille, fille d’un pauvre fonctionnaire provincial nommé Éjévikine, laquelle avait été fort bien élevée au compte de mon oncle dans un grand établissement scolaire de Moscou et servait à ce moment d’institutrice à ses enfants. Elle était malheureuse ; je pouvais faire son bonheur en accomplissant une action généreuse ; il s’adressait à la noblesse de mon cœur et me promettait de doter la jeune fille, mais il s’exprimait sur ce dernier point d’une façon extrêmement mystérieuse, et m’adjurait de garder sur tout cela le plus absolu silence. Cette lettre me bouleversa.

Quel est le jeune homme qui ne se fût pas senti remué par une proposition aussi romanesque ? De plus, j’avais entendu dire que la jeune fille était fort jolie.

Je ne savais pas à quel parti m’arrêter, mais je