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naissais et votre égoïsme, et votre orgueil sans limites, et votre luxure phénoménale. Et qui donc pourrait m’accuser si j’ai tremblé pour l’honneur de la plus innocente créature ?

— Foma ! Foma !… n’en dis pas trop, Foma ! s’écria mon oncle en surveillant avec inquiétude l’expression douloureuse qui envahissait le visage de Nastia.

— Ce n’était pas tant l’innocence et la confiance de cette personne qui me troublaient que son inexpérience, continua Foma, sans paraître avoir entendu l’avertissement de mon oncle. Je voyais qu’un tendre sentiment était en train d’éclore dans son cœur, comme une rose au printemps et je me remémorais involontairement cette pensée de Pétrarque que « l’innocence est souvent à un cheveu de la perdition ». Je soupirais ; je gémissais et, pour cette jeune fille plus pure qu’une perle, j’aurais volontiers donné tout mon sang. Mais qui eût pu répondre de vous, Yégor Ilitch ? Connaissant l’impétuosité de vos passions, sachant que vous seriez prêt à tout sacrifier à leur satisfaction d’un moment, je me sentais plongé dans un abîme d’épouvante et de crainte sur le sort de la plus honnête jeune fille…