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tant de mal que je ne comprends pas comment la terre peut encore me porter.

— Oui, vous êtes bien égoïste ! remarqua Foma avec conviction.

— Je le comprends maintenant moi-même. Mais je vais me corriger et devenir meilleur.

— Dieu vous entende ! conclut Foma en poussant un pieux soupir et en se levant pour aller faire sa sieste accoutumée.

Pour finir ce chapitre, qu’on me permette de dire quelques mots de mes relations personnelles avec mon oncle et d’expliquer comment je fus mis en présence de Foma et inopinément jeté dans le tourbillon des plus graves évènements qui se soient jamais passés dans le bienheureux village de Stépantchikovo. J’aurai ainsi terminé mon introduction et pourrai commencer mon récit.

Encore enfant, je restai seul au monde. Mon oncle me tint lieu de père et fit pour moi ce que bien des pères ne font pas pour leur progéniture. Du premier jour que je passai dans sa maison, je m’attachai à lui de tout mon cœur. J’avais alors dix ans et je me souviens que nous nous comprîmes bien vite et que nous devînmes de vrais amis. Nous jouions ensemble à la toupie ; une fois, nous volâmes de complicité le bonnet d’une