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mes ennuis, mon cœur m’en faisait souffrir de bonheur ! Allons, au revoir. Il faut que je m’en aille ; on m’attend et je suis déjà en retard. Je ne voulais que te dire un mot en passant. Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-il en revenant sur ses pas, j’oublie le principal. Voilà : j’ai écrit à Foma !

— Quand donc ?

— Cette nuit. Il faisait à peine jour, ce matin, quand je lui fis porter ma lettre par Vidopliassov. En deux feuilles, je lui ai tout raconté très sincèrement ; en un mot, je lui dis que je dois, que je dois absolument demander la main de Nastenka. Comprends-tu ? Je le supplie de ne pas ébruiter notre rendez-vous dans le jardin et je fais appel à sa générosité pour intercéder auprès de ma mère. Sans doute j’écris fort mal, mon ami, mais cela, je l’ai écrit du fond de mon cœur, en arrosant le papier de mes larmes.

— Et qu’a-t-il répondu ?

— Il ne m’a pas encore répondu, mais, ce matin, comme nous allions partir, je l’ai rencontré dans le vestibule, en vêtements de nuit, pantoufles et bonnet, car il ne peut dormir qu’avec un bonnet de coton ; il allait vers le jardin. Il ne me dit pas un mot, ne me regarda même pas. Je le regardai en face, moi, et du haut en bas, mais rien !