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assez mal à l’aise et ne pouvait garder son sang-froid ; il ne tenait pas en place, rougissait, roulait des yeux farouches et, quand mon oncle entreprenait de consoler Tatiana, le gros homme, positivement hors de lui, grognait comme un bouledogue qu’on taquine. Mon oncle lui jetait des coups d’œil inquiets. Enfin, devant ces extraordinaires manifestations de l’état d’âme de son vis-à-vis, Tatiana Ivanovna se prit à l’examiner avec attention, puis elle nous regarda, sourit et, soudain, du manche de son ombrelle, elle frappa légèrement l’épaule de M. Bakhtchéiev.

— Insensé ! dit-elle avec le plus charmant enjouement, et elle se cacha aussitôt derrière son éventail.

Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.

— Quoi ? rugit-il. Qu’est-ce à dire, Madame ? Alors, c’est sur moi que tout va retomber, maintenant ?

— Insensé ! insensé ! répétait Tatiana Ivanovna éclatant de rire et battant des mains.

— Arrête ! cria Bakhtchéiev au cocher. Halte !

On s’arrêta. Bakhtchéiev ouvrit la portière et sortit en hâte de la voiture.

— Mais qu’as-tu donc ? Stépane Alexiévitch ? Où vas-tu ? criait mon oncle stupéfait.