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dame effrayée n’était autre qu’Obnoskine, lequel était parti depuis longtemps déjà, au dire de Mizintchikov. De son côté, il parut fort troublé à ma vue ; toute son insolence avait disparue.

— Excusez-moi ; mais je ne m’attendais nullement à vous rencontrer, fit-il en bégayant avec un sourire gêné.

— Ni moi non plus, répondis-je d’une voix moqueuse, d’autant plus qu’on vous croyait parti.

— Mais non, Monsieur ; j’ai seulement fait un bout de conduite à ma mère. Mais permettez-moi de vous parler comme à l’homme le plus généreux…

— À quel sujet ?

— Il est, dans la vie, certaines circonstances où l’homme vraiment généreux est obligé de s’adresser à toute la générosité de sentiment d’un autre homme vraiment généreux… J’espère que vous me comprenez ?

— N’espérez pas. Je n’y comprends rien.

— Vous avez vu la dame qui se trouvait avec moi dans cette tonnelle ?

— Je l’ai vue, mais je ne l’ai pas reconnue.

— Ah ! vous ne l’avez pas reconnue ? Bientôt je l’appellerai ma femme.

— Je vous en félicite. Mais en quoi puis-je vous être utile ?