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de la grandeur du projet qu’il exposait avec l’enthousiasme d’un inventeur. Mais il subsistait un point délicat à éclaircir.

— Avez-vous pensé, lui dis-je, qu’elle est presque fiancée à mon oncle à qui vous infligerez un sanglant outrage en l’enlevant à la veille du mariage ? Et c’est encore à lui que vous comptez emprunter l’argent nécessaire à cet exploit !

— Ah ! nous y sommes ! — s’écria-t-il fougueusement. J’avais prévu cette objection. Mais d’abord et avant tout, votre oncle n’a pas encore fait sa demande ; je puis donc ignorer qu’on lui destine cette demoiselle. Ensuite, veuillez remarquer que j’ai conçu ce projet, voici trois semaines de cela, quand je ne connaissais rien des intentions des hôtes de la maison. En sorte que, moralement, le droit est pour moi et que je suis même autorisé à juger sévèrement votre oncle, puisqu’il me prend ma fiancée dont j’ai déjà obtenu un rendez-vous secret, notez-le bien ! Enfin, n’étiez-vous pas en fureur, il n’y a qu’un instant, à la seule idée qu’on voulût marier votre oncle à cette Tatiana Ivanovna ! et voilà que vous voulez considérer comme un outrage le fait d’empêcher cette union. Mais, c’est, au contraire, un grand service que je rends à votre oncle. Comprenez donc que