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— N’allez pas auprès de votre oncle. Je viens moi-même de les quitter.

— Mais où sont-ils ?

— Qui le sait ? Peut-être sont-ils tous retournés dans le potager, dit-elle, irritée.

— Quel potager ?

— La semaine passée, Foma Fomitch cria qu’il ne voulait plus rester dans cette maison. Il courut au potager, prit une bêche dans la hutte et se mit à remuer la terre. Nous n’en revenions pas, le croyant devenu fou. Alors, il dit : « Afin que l’on ne me reproche plus le pain que je mange, le pain qu’on me donne, je vais bêcher la terre ; je paierai de mon travail la nourriture que j’ai reçue et je m’en irai ensuite ! Voilà où vous me réduisez ! » Et tout le monde de pleurer, de se mettre à genoux devant lui, de vouloir lui ôter sa bêche. Mais il persistait à remuer la terre ; il a ravagé tout un carré de navets. Comme on lui a cédé une fois, il se peut qu’il ait recommencé. Avec lui, il faut s’attendre à tout.

— Et vous pouvez me raconter cela avec ce sang-froid ? m’écriai-je dans une grande indignation.

Elle leva sur moi des yeux étincelants.

— Pardonnez-moi ; je ne sais plus ce que je dis,