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toutes les nuits ! Chaque soir, je dis cette prière : « Rêve ! Je ne veux pas voir le bœuf blanc ! Rêve ! Je ne veux pas voir le bœuf blanc ! » Mais, j’ai beau faire, il m’apparaît, énorme, avec ses cornes, son gros mufle… meuh ! meuh !

Mon oncle était au désespoir mais, par bonheur, Foma semblait avoir oublié le bœuf blanc. Bien entendu, personne ne le croyait homme à perdre de vue une circonstance aussi importante. Chacun se disait avec terreur qu’il l’avait seulement mise de côté pour en user en temps utile. On sut plus tard qu’à ce moment, Foma Fomitch avait des préoccupations différentes et que d’autres plans mûrissaient dans son cerveau. C’était là l’unique motif du répit qu’il laissait à Falaléi et dont tout le monde profitait. Le jeune garçon retrouvait sa gaieté ; il commençait même à oublier le passé. Les apparitions du bœuf blanc se faisaient plus rares quoiqu’il tînt, de temps à autre, à rappeler son existence fantastique. En un mot, tout aurait marché le mieux du monde si la Kamarinskaïa n’eut pas existé.

Falaléi dansait à ravir ; la danse était sa principale aptitude ; il dansait par vocation, avec un entrain, une joie inlassables ; mais toutes ses préférences allaient au paysan Kamarinski. Ce n’était