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— Oui ; avant tout, je suis allé le voir pour lui présenter mes hommages. Il m’a dit qu’il entendait prendre son thé chez lui et seul avec lui-même ; il a même ajouté qu’il pouvait bien se contenter d’une croûte de pain sec.

Ces paroles semblèrent terroriser mon oncle.

— Mais comment ne lui expliques-tu pas, ne le persuades-tu pas. Evgraf ? dit mon oncle avec reproche.

— Je lui ai dit ce qu’il fallait.

— Eh bien ?

— Pendant un bout de temps, il n’a pas répondu. Il était absorbé par un problème de mathématiques qui devait être fort difficile. Il avait dessiné les figures ; je les ai vues. J’ai dû répéter trois fois ma question. Ce n’est qu’à la quatrième qu’il releva la tête et parut s’apercevoir de ma présence. « Je n’irai pas, me dit-il. Il y a un savant qui est arrivé. Puis-je rester auprès d’un pareil astre ? » Ce sont ses propres paroles.

Et le vieux me lança un coup d’œil d’ironie.

— Je m’attendais à cela ! fit mon oncle en frappant des mains. Je l’avais bien pensé. C’est de toi, Serge, qu’il parle. Que faire, maintenant ?

— Il me semble, mon oncle, répondis-je avec dignité et en haussant les épaules, il me semble