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MA TANTE


lisse, avait beau vouloir m’animer et me crier « courage ! allons, du cœur ! chantez donc » !… je ne pouvais plus décoler ma langue… Enfin je fis un effort pour commencer un couplet, mais les premiers sons que je pus donner furent si faux, que j’entendis aussitôt partir, des differens côtés de la salle, des coups de sifflets qui m’effrayèrent et achevèrent de me faire perdre la tête.

Je ne connaissais pas encore cette manière que le public a adoptée, pour témoigner son mécontentement aux acteurs ; et ce bruit aigu me rappelant seulement les histoires de brigands que j’avais entendu raconter, j’oubliai que j’étais sur le théâtre. « Ah mon dieu ! m’écriai-je en tremblant, est-ce que je suis dans un bois, donc ? Y a des voleurs ici : v’là que j’entends leurs chifflets » !… et je ramassai toutes mes forces pour me sauver derrière une coulisse où je m’évanouis absolument, pendant que toute l’assemblée riait à se