Page:Dorvigny - Ma Tante Geneviève, ou Je l’ai échappé belle, 1800.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
GENEVIEVE.


» du plus beau dîner que jamais procureur ait fait servir à ses clercs ».

Je voulus hasarder quelques mots de remontrance sur l’enlèvement de ces provisions, et sur la colère que mes maîtres m’en témoigneraient, mais ils me fermèrent la bouche, en me disant qu’ils prenaient tout sur leur compte, et qu’ils gardaient la clef du buffet pour la remettre eux-mêmes : qu’au surplus, que je l’accommodasse ou non, le tout n’en serait pas moins mangé, parce qu’ils iraient chercher une autre cuisinière, et qu’en ce cas, toutes les fricassées me passeraient devant le bec… même jusqu’au pain qu’ils me refuseraient…

La faim cruelle que j’éprouvais me fit céder à cette dernière menace, d’autant plus que je pensais intérieurement que le procureur ne serait pas dupe de cet écot-là, et qu’il saurait y retrouver son profit, aussi bien qu’il l’avait fait sur la casse de sa faïence : je me mis donc aussitôt à l’ouvrage.