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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

de Lisle était originaire de Bretagne, on avait muni le jeune homme de recommandations pour son oncle paternel M. Louis Leconte, avoué à Dinan. C’était là d’abord, et ensuite à Rennes que Charles devait finir ses études. Nous avons sous les yeux des lettres écrites par le jeune créole en cours de route. Les premières sont datées du Cap, les autres de Sainte-Hélène.

On constate, en parcourant cette correspondance que, si l’art et la poésie tenaient, dès cette minute, dans les préoccupations de Charles Leconte de Lisle, la place la plus importante, ils ne l’occupaient pas seuls. On lit, en effet, cette exhortation au bas d’un billet : « Adieu mon ami. Prions pour Elle ![1] » On pourrait croire que cette « Elle » là, désigne une femme) Charles Leconte de Lisle ne veut pas qu’on s’y trompe, il ouvre une parenthèse et il écrit : « La République ».

C’est d’un idéal politique qu’il s’agit, et, cet idéal a pris tant de place dans les causeries et dans la correspondance où Leconte de Lisle répand son âme devant ses camarades, qu’il leur écrit dans une autre occasion : « Je vous charge de soutenir nos sentiments républicains et philosophiques : ce sont les plus vraies comme les plus nobles des opinions humaines[2] ».

En 1837, les bateaux marchaient à la voile, ils n’avançaient pas vite. Que faire par un calme plat ? Leconte de Lisle rimera-t-il un poème d’amour ? Non pas : une pièce politique ! Il l’intitule : Deuxième Pélagienne et il suppose que l’auteur l’improvise dans la prison de Sainte-Pélagie.

Le bateau qui porte le jeune créole touche le rocher de Sainte-Hélène : les amis de Bourbon avaient prié leur ca-

  1. Lettre adressée à Bourbon à son ami Adamolle, fils, comme Leconte de Lisle lui-même, d’un riche planteur des « hauts » de Saint-Paul et préoccupé, comme lui, d’idées hautes et pures.
  2. Ibid.