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Ah ! donner sa vie, sa beauté et son amour à un homme supérieur et vaincu… On sait bien que la vie est courte. Mourir aujourd’hui ou dans quelques années, peu vous chaut ! Mais emplir sa jeunesse d’un délire dont, après vous, les hommes demeurent émerveillés !… Tracer, au-dessus des existences médiocres du vulgaire, un trait de feu qui longtemps éblouisse !…

Mais surtout… surtout, ne point vivre uniquement en fille du marquis de Bescé, soumise par les devoirs du nom à des disciplines puériles et pourtant accablantes. Vivre en femme libre… vivre son propre destin… Un frisson agita la frêle adolescente emplie d’imaginations ardentes et frénétiques.

Elle eut tout voulu faire, et le pire surtout… Elle n’était d’ailleurs pas certaine de savoir exactement ce qu’est l’amour.

Un bruit de pas et de voix troubla soudain sa songerie magnifique. On passait en bas, sur le sentier longeant la terrasse de Bescé. Ce chemin tors, couvert d’herbe haute, était solitaire et triste. Engoncé entre les lourds contreforts de pierre et un petit mur qui bordait, en face, les vignobles du marquis, il manquait d’air et de gaieté.

Louise de Bescé se pencha sur la balustrade. Un couple venait à pas lents et balancés. L’homme, un jeune campagnard faraud et robuste, vêtu de velours fauve, portait une blonde moustache effilochée. La femme, une brune paysanne, bien en chair et de port orgueilleux, regardait droit devant elle avec une sorte de gravité satisfaite. Ils parlaient haut, se pensant seuls. L’homme avait sans cesse aux lèvres un rire bruyant et sot. Soudain, sa compagne tourna vers lui une face tendue où les yeux luisaient. Un tourment secret la possédait visiblement. Et il se manifesta comme un cri…

Louise vit brusquement le bras féminin s’avancer jusqu’au ventre du mâle. Il y eut un arrêt et un geste mal compréhensible, puis, comme si la belle paysanne eut tiré un coutelas de