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Il avait deviné que ce fût là cette fille du marquis de Bescé, dont la fuite avait jadis défrayé secrètement la chronique. Il désira aussitôt se venger moralement pour l’affaire qui lui avait coûté douze millions. Louise le comprit. Elle parut rêver un instant, puis, avec un sourire aigu, accepta. L’idée d’une vengeance naissait de même en sa pensée.

Le banquier fit un geste en l’air, et, obéissant comme un chien fidèle, le chauffeur d’une vaste limousine vint s’arrêter aussitôt au ras du trottoir, où les deux interlocuteurs avaient échangé leurs aménités. Blottsberg ouvrit la portière. Louise monta. Il la suivit et l’auto démarra.

Tous deux se regardèrent avec ces yeux volontairement illisibles des gens prêts à entamer une lutte. Le financier calculait tous les actes possibles et leurs incidences.

— Mademoiselle, dit-il enfin, c’est un grand honneur pour cette voiture que de recevoir la fille de mon ennemi.

Brutale, elle riposta :

— Il n’y a ici ni amis ni ennemis, mais un homme qui a envie d’une femme. Nos relations ont commencé avec ce désir. Elles sont étrangères à tout ce qui n’est pas ce désir. C’est donc de lui qu’il faut parler.

Étonné, le juif glissa un coup d’œil sournois sous ses paupières lourdes. Ce n’était pas là une façon de converser d’amour. Il était décontenancé, car toute sincérité fruste le gênait. Il dit encore :

— Pourtant, je vous assure…

— Pas de pourtant, s’il vous plaît, reprit-elle avec insolence. Et pour pallier ce que cet ordre avait d’excessif, elle troussa sa jupe et, se tournant, fit saillir sa croupe nue.

— Ceci, compléta-t-elle en se rasseyant, n’est-il pas plus intéressant que la Bourse ?