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la Seine et passé devant les Tuileries, elle entra dans un hôtel et retint une chambre. Sitôt seule, elle s’étendit, puis s’endormit.

Elle se réveilla à neuf heures du soir, ayant faim. Descendant au bureau de l’hôtel, elle donna un faux nom, paya le loyer pour quinze jours et s’en alla au hasard.

Une pâtisserie se présenta. Elle y dévora des gâteaux, but un verre de Porto et se sentit en meilleur point. Le sentiment de sa solitude, dans cette ville agitée et fébrile, lui était à la fois très doux et pénible. Jamais pourtant la jeune fille n’avait éprouvé un détachement aussi complet de sa propre vie. Il lui semblait que son destin commençât ce jour même. La joie de se savoir libérée de tous devoirs et de tous désirs la transportait.

Elle rentra à minuit, ayant rôdé dans Paris et tenté de comprendre cette ville énorme. Chose curieuse, tout ce qui la troublait à Bescé était disparu de sa pensée. L’absurdité de ses actes précédents, de ses colères vaines et de ses caprices perpétuels, lui apparaissait aujourd’hui, et elle plaignait tous ceux qu’elle avait fait souffrir. Elle sut n’être point enceinte.

Louise ne regrettait pas toutefois ce départ pareil à une fuite. Au contraire son cœur s’en réjouissait. Quelques heures venaient de lui révéler le summum des joies humaines, à savoir : l’indépendance et la liberté.

Le lendemain et les jours qui suivirent, Louise de Bescé passa son temps à errer dans la ville. Comme tout lui manquait, elle se pourvut peu à peu du nécessaire. L’hôtel choisi, assez louche, lui laissait toutes licences, celles dont elle profitait et d’autres qui étaient à sa disposition. Son bonheur fut sans mélange.

Bientôt familiarisée avec Paris, elle dut songer à travailler. Elle avait acheté sans compter. Elle mangeait en outre dans les restaurants les plus confortables et avait jugé bon de se nantir de malles et de sacs de voyage, choses coûteuses.