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jours, le cauchemar de la maison. Le premier, son frère Zani lui dit :

— Louise, tu deviens assommante !

Son père, le lendemain, de sa voix douce et pleine de menaces, prononça ces mots dans lesquels il ne mettait aucune intention fâcheuse, mais qui affolèrent l’adolescente :

— Louise, tu exagères l’importunité. On dirait que tu as envie de te faire mettre au cachot des Ugolins ?

Le rappel de ce lieu où son sexe s’était offert sans pudeur lui fut la plus cinglante des injures. Elle se crut menacée, et son déséquilibre croissant lui enleva tous moyens de distinguer la réalité des chimères.

Rudoyant tout le monde, coléreuse et méchante, elle finit par constater la fuite de toutes les affections.

L’idée d’être enceinte l’obsédait, pour un retard supposé de quarante-huit heures dans ses menstrues.

Alors, affolée, imaginant qu’on l’enfermerait dans le fameux cachot, ou que l’ouvrier allait venir demander sa main, en disant avoir eu ses prémisses ; que tout enfin n’était que pièges et menaces de dures misères, un jour, elle prit dix mille francs dans le bureau de son père et s’en alla à pied, à cinq kilomètres de là, par la forêt, jusqu’en gare de Trempe-l’Isle. Elle était partie à dix heures du soir, sachant qu’un train passait vers minuit pour Paris. À l’heure dite, elle montait dans le compartiment et se laissait mener vers la capitale.

C’était un train omnibus, de sorte qu’elle n’arriva qu’à dix heures du matin en gare d’Orsay. Les jambes lourdes et la tête accablée, elle sortit sur le quai. Sa pâleur faisait retourner les gens. Louise connaissait Paris, sans n’y être d’ailleurs jamais venue seule. Elle voulait maintenant se reposer. Ayant traversé