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I

PARIS

Louise de Bescé entendit crier l’arrivée en gare d’Austerlitz. Accoudée à la portière, elle laissait au hasard ses sensations se suivre ou s’agglomérer. Une sorte d’hypnose triste et courageuse possédait son cerveau brumeux.

Le compartiment de première fut vide. Tous les occupants venaient de descendre. Le train se remit en marche vers Orsay.

La jeune fille laissa son regard errer sur les murs de cette espèce de tranchée, parallèle à la Seine, où courait le convoi traîné par une locomotive électrique. Il y eut l’arrêt du pont Saint-Michel, puis on entra dans la vaste gare d’Orsay, blanche et tumultueuse. Louise descendit tranquillement et se dirigea vers la sortie. Elle était au but.

Après s’être donnée au jeune ouvrier qui maçonnait dans la chambre des suppliciés, Louise de Bescé avait connu un sombre désespoir. Son humeur devint capricieuse et fantasque. Elle s’aliéna en peu de temps toutes les amitiés qui l’accompagnaient jusque-là.

Ce qui la torturait surtout, c’était la crainte d’être enceinte des œuvres de cet amant sans gloire. Le souvenir de l’acte où elle s’était offerte comme une fille la brûlait nuit et jour. Elle avait maintenant retrouvé la chasteté et sa froideur d’avant le jour funeste. Mais cette terreur de devoir, bientôt peut-être, déclarer une grossesse à son père ne l’abandonna plus.

Louise maigrit, se fit gracieuse et plus tentante. Ses colères brusques et quotidiennes n’en devinrent pas moins, en peu de