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IV

LE DON DE SOI

Ah ! ce dîner ! Louise, vers minuit, en remontant dans sa chambre, les jambes lasses et le cœur gonflé, on ne savait de quel désir ou de quel regret, s’en sentait accablée encore. Il lui avait fallu, l’esprit plein de tant d’impressions neuves, de soucis et d’intentions, tantôt vagues et tantôt précis, garder l’attitude convenable à la fille d’un potentat de la finance recevant des amis et des confrères.

Ç’avait été une vraie torture. Le plus curieux consistait en ceci que Louise avait, ce soir-là, le teint plus animé que de coutume, les yeux plus brillants, le geste aussi plus flou et le sourire moins machinal, sans s’en douter. Et tout le monde s’en apercevait. Aussi, malgré la discrétion normale du milieu et la dignité un peu affectée de la plupart des convives, avait-on couvert la jeune fille de louanges qui la mettaient au supplice. Cela, qui la faisait rougir, ajoutait encore une animation neuve à son teint, de sorte que les regards ne la quittaient pas.

Dévêtue et prête à se coucher, Louise se remémorait les événements de la soirée. Assise sur son lit, une jambe relevée, le genou au menton, cette évocation lui faisait savourer un mélange de gaieté et d’ennui.

D’abord, pendant le dîner, où son visage était le point de mire de dix regards trop attentifs, elle tremblait sans cesse au fond de sa pensée que l’on devinât ses secrets, le spectacle de la soirée et son aventure avec Jacques de Laize. Lui s’efforçait d’ailleurs à l’indifférence. Pourvu que nul ne soupçonnât ce qu’avait de complice cette fausse froideur… On avait parlé d’affaires, et des gens, qui ne tenaient aucun compte, à l’ac-