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Mais le jeune de Laize agaçait la fille du marquis de Bescé. Elle savait ses ambitions et qu’il désirait l’épouser. Un tel mariage ne déplaisait à personne de la maison. Les de Laize se nommaient effectivement ainsi et ils avaient été anoblis en 1570, ce qui est très honorable. Bien des ducs et pairs de la Restauration ne sauraient établir de semblables quartiers. Mais en 1790, Gaston de Laize, maire de Trempe-l’Isle, qui n’était rien moins que courageux, avait spontanément supprimé la particule de son nom pour faire preuve de civisme. Son fils avait acheté une étude de notaire et la charge n’avait plus quitté les aînés du nom. Les de Laize étaient aujourd’hui immensément riches et bien plus dangereux pour le peuple que le marquis de Bescé. En effet dix mille hectares de biens autour de Bescé portaient en première hypothèque la griffe du notaire. Il pouvait, à son gré, étant un chicanous minutieux et habile, faire vendre des centaines de propriétés du jour au lendemain. Car les paysans, négligents et cupides, prenaient pour de la bienveillance de la part du notaire des offres de crédits supplémentaires, lorsque les débiteurs ne remboursaient point aux temps fixés.

Aujourd’hui, des villages entiers eussent donc pu être évacués par la force, si Me de Laize l’avait voulu. Puissant, magnifique manieur de capitaux, il était dévoué aux Bescé parce que ceux-ci le traitaient en égal. Aussi le marquis eût-il aimé que le fils cadet des de Laize, médecin déjà renommé pour des recherches sur les sérums, pût épouser sa fille. Mais elle, sous l’influence maternelle, méprisait d’instinct les gens de loi et leurs descendants.

Le docteur de Laize était toutefois un adversaire digne de Louise. D’une intelligence déliée et experte, voyant bien, voyant large, il inspirait le respect même à ses aînés. Et Dieu sait pourtant si les médecins cultivent naturellement la haine des nouvelles couches médicales !… Mais il avait fallu s’incliner devant les facultés étonnantes de ce jeune homme.