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La famille portait d’Hermine au Pairle d’Or, l’écu surmonté d’un heaume d’argent, taré de front, et à neuf grilles. Cette faveur unique, car tous les marquis de France timbrent leurs armoiries d’un heaume à sept grilles, leur donnait rang de ducs non souverains. Les lambrequins du chef étaient d’hermine à bordure d’or.

Les tenants aux côtés de l’écu montraient deux faucons au naturel affrontés, et la devise orgueilleuse que dominaient les armoiries se lisait « TOVSJOVRS SEVL ».

Louise de Bescé, dans la nuit tombante, revenait doucement vers le château. Un souffle froid et humide passait sous l’allée bordée de hauts chênes. Les bruits légers des vies mystérieuses qui commencent à agir après la disparition du soleil se manifestaient autour d’elle. C’étaient des petits cris, des glissements et des frissons dans l’herbe agitée. Au ciel, les étoiles dessinaient leurs mystérieuses figures. Le sable crissait sous le pas de la jeune fille méditative. Louise entrevoyait, à travers le rideau des feuillages, les taches dorées de fenêtres éclairées à la façade du château dressé dans sa masse énorme au centre d’une pelouse démesurée où serpentaient des allées incurvées.

Élevée dans l’orgueil traditionnel que les Bescé unissaient à une liberté jugée excessive par les gens sensés, la jeune fille était à la fois courageuse, timide et froide, avec, au fond d’elle-même, un secret tumulte de violentes passions cachées.

Elle était cultivée. On lui avait donné comme éducatrice une dame agrégée de l’Université, révoquée par le gouvernement pour avoir publié naguère un livre sur l’immoralité de l’histoire de France. Louise aurait pu faire, comme toutes les adolescentes de son âge que pousse la vanité, une bachelière ou même une avocate, dont on publierait le portrait dans les illustrés et qui ferait des conférences sur le suffrage des femmes. Mais le marquis Timo de Bescé avait dit : « Il n’est que les sots