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suma, au début du XVIIIe siècle, la charge redoutable de surintendant pour les Finances, alors en mauvais point. Ses lettres ont été publiées. Il y traite la veuve Scarron avec un mépris magnifique. En 1720, ses deux fils sont parmi les camarades de débauches du Régent. Dès lors, les Bescé d’Yr passent dans les rangs philosophiques. Ils sont carrément révoltés contre cette monarchie qui les couvre de ses faveurs. Antoine Timo de Bescé fait, en 1789, partie des États Généraux. Il est, avec un Montmorency, le promoteur de la nuit du 4 août. On le trouve lié avec Robespierre en 1793. Conventionnel, il vote la mort du roi et il serait sans doute mort sur l’échafaud s’il n’avait été, le 9 Thermidor, en mission à Madrid près de Godoy, le Prince de la Paix. Il passa ensuite à Naples, toujours plus révolutionnaire à mesure que la Révolution changeait de face. Dernier de sa race, il semblait devoir l’enterrer, quand, à Venise, il épousa en 1799 une Dandolo, héritière de trente Doges. Elle lui donna quatre fils.

Il revint en France dès 1807 et se rencogna dans ses propriétés tourangelles. De ce moment, les Timo de Bescé ne sont plus, jusqu’en 1880, que de gros propriétaires autour desquels règne une légende tragique. Deux filles fuient leur famille à la fin du second Empire pour épouser des gens de rien. Un fils déserte en 1883, part en Argentine, fait là-bas une immense fortune, puis meurt assassiné.

Le père de Louise de Bescé présidait le conseil d’administration de la Banque du Centre. C’était un homme robuste, avec la face même de ces terribles escrimeurs du XVIe siècle, qui affectaient pourtant des façons efféminées. Une barbe en pointe et des cheveux fous le faisaient ressembler à ce Gast qui fut l’amant de la reine Marguerite et qu’il fallut tuer au lit pour avoir sa vie. Louise de Bescé avait deux frères, l’un, devenu déjà, à vingt-cinq ans, un financier retors, sous la direction de son père ; l’autre, pris d’enthousiasme pour l’aventure, colonisait au milieu des anthropophages de la Nouvelle-Zemble, et s’était taillé là-bas une sorte de royaume.