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portant une ferronnière au front, Louise de Bescé se tenait devant lui.

En voyant cette femme parfumée et souple, hautaine, avec des yeux durs et fixes, mais gardant un sourire méprisant sous une insaisissable pureté dans la face et dans l’allure, qui donc eût dit qu’une demi-heure plus tôt elle faisait… ce que de Laize avait vu ?

Le médecin fut figé. Il chercha ses mots avec désespoir. Il y avait un tel monde entre Louise de Bescé — celle qu’il avait devant les yeux — et la femme qui, voici un instant, pissait dans la bouche d’un Oriental burlesque et passionné, que nul n’aurait pu se décider à traiter celle-ci comme l’autre… Et pourtant c’était la même que, trois ans plus tôt, de Laize avait à demi possédée, du moins par la bouche, sur le banc de gazon de la grande allée du château de Bescé.

Tous deux se regardèrent un instant. Mais si de Laize avait l’âme troublée et inquiète, sur sa face tendue et puissante rien ne se montrait de ses hésitations intérieures. Elle devina qu’il ne fallait pas heurter de front cet homme qui la connaissait. À feindre de ne le point reconnaître, elle courait le risque d’un scandale. D’autant que les établissements de nuit sont bondés de mouchards et de journalistes à l’affût d’une histoire piquante.

Elle dit donc, en tendant la main, avec l’air d’une grande dame qui reçoit un solliciteur :

— Bonsoir, docteur ! Dites-moi ce qui me vaut de vous rencontrer si tard ?

Cette audacieuse réponse arrêta d’un coup tout ce que de Laize voulait dire. Il fut une seconde à retrouver la maîtrise de soi. Il pensait : Quelle femme prodigieuse !…