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faire. Bientôt la victime évanouie n’était plus entre les mains de ces hommes qu’une chair inerte livrée à toutes les turpitudes…

Le docteur de Laize se passa la main sur le front. La sueur perlait. Cette fresque d’ignominie se reproduisait en sa pensée à des intervalles irréguliers, et il était aussi incapable de la chasser que d’en modifier le lent déroulement.

Il se laissa tomber dans un fauteuil. Les ressorts souples plièrent sous lui. Il se trouva presque allongé, tenu de partout dans une sorte de nuage élastique. Il regarda ses mains. Elles tremblaient. Il ferma les yeux. Mais l’impitoyable image revenait encore. Il ne pouvait s’en débarrasser. Il murmura avec une ironie cruelle : « Bientôt le cabanon »…

Il se haïssait. Une fureur secrète secouait en lui des gestes virtuels de colère âpre. Quoi donc ? Être maître de soi, et pourtant se laisser envoûter par des jeux déments d’imagination, comme une amoureuse de province qui rêve à quelque prince charmant, comme l’écolier qui songe aux délires de la grande fête parisienne, comme une Bovary, une Indiana, un pauvre petit Julien Sorel, un Lucien de Rubempré…

Et pourtant, il fallait en prendre son parti. Il fallait composer avec le démon qui le possédait, il fallait vivre avec ces fantômes obscènes, burlesques et douloureux.

Le docteur de Laize se prit le crâne à pleines mains. Que se passait-il là-dedans dont il ne pouvait maîtriser la folie ? Quelle force secrète agissait seule parmi ces circonvolutions, ces cellules, ces mystères de la pensée humaine ?

Et brusquement, comme un nouveau film commence à se dérouler, il vit autre chose :

Louise de Bescé, toujours la même, entrait dans un salon avec des hommes nus et des femmes comme elles, qui se dévêtaient aussitôt fébrilement. Le docteur de Laize regardait jaillir les membres des vêtements jetés au hasard. C’étaient d’abord