IV
LE FEU DE ST-DENIS
Le temps a marché ; c’est aujourd’hui le 21 novembre 1837.
Il est environ huit heures du soir ; il tombe une pluie fine et très froide ; des éclairs déchirent parfois le voile du firmament, illuminant le ciel d’une lueur sinistre ; le tonnerre gronde sourdement. À cette heure dans St-Antoine, on ne voit personne hors de chez lui excepté un homme d’une stature colossale, drapé dans un long manteau noir, et dont on entrevoit à peine la figure. Il marche d’un pas lent, s’arrête quelques instants, consulte sa montre, puis recommence à marcher. Dix minutes se passent, il s’arrête de nouveau : « voilà qui est singulier, dit-il ; cela vraiment devient inquiétant. Lui, ordinairement si ponctuel à un rendez-vous, en retard de plus d’une demi-heure. Lui serait-il arrivé un malheur ? C’est peut-être cette tempête qui m’empêche d’entendre ? Attendons encore un peu. »
Bientôt, cependant, on entend le bruit de pas éloignés ; ce bruit devient plus clair à mesure que les pas se rapprochent et on distingue enfin la figure d’un homme qui s’avance rapidement.
— C’est toi, Pierre, te voilà enfin ! Je dois dire que je commençais presque à désespérer de te voir ce soir,
— En effet, docteur, je suis en retard ; ce n’est pas ma faute, cependant, car j’ai dû subir les inconvénients du mauvais temps et d’ailleurs, à plusieurs endroits, nous n’avons appris les nouvelles que très tard.