après Mathilde laissait sa mère pour aller rendre visite à une ancienne amie de couvent avec qui elle avait conservé des relations de la plus tendre amitié ; elles ne s’étaient pas revues depuis leur sortie du couvent. Leur première entrevue ne pouvait manquer d’être longue et très amicale, et la fiancée de Pierre donna libre cours à ses anciens souvenirs, sans s’apercevoir que l’heure avançait rapidement. Il n’était pas moins de six heures quand elle reprit le chemin du domicile du père Pouliotte.
Le lecteur trouvera, sans doute, qu’il n’était pas bien tard, surtout à cette époque de l’année où les journées du reste sont assez longues. Mais par ces temps de trouble, il n’était pas prudent pour une jeune fille de s’aventurer seule dans certaines rues de Montréal que Mathilde, comme on sait, ne connaissait que fort imparfaitement. Elle s’éloigna de la route qu’elle aurait dû suivre et, lorsqu’elle s’aperçut de son erreur, elle s’engagea dans une ruelle où, depuis peu de temps, avaient été placées des sentinelles de l’armée anglaise.
Elle devait bientôt regretter son imprudence : tout à coup elle se sentit saisir à la taille par un homme d’une grandeur presque colossale qui, après l’avoir examinée pendant quelques secondes, lui adressa en anglais quelques paroles d’un goût plus que douteux, puis lui offrit de la reconduire chez elle.
— Laissez-moi, fit Mathilde effrayée, je veux m’en retourner seule.
L’inconnu, qui portait l’uniforme de capitaine d’infanterie, voyant qu’il parlait à une canadienne, lui répondit en assez mauvais français qu’il l’accompagne-