Page:Dorion - Vengeance fatale, 1893.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
VENGEANCE FATALE

pendant sa jeunesse, se montra de très bonne humeur et amusa beaucoup Madame et Mlle Gagnon par ses histoires navales et par les nouvelles politiques du jour. En effet, à cette époque, toutes les têtes étaient plus ou moins échauffées par la politique et attendaient avec anxiété les événements qui devaient suivre. La veillée devait être courte ; Mathilde et sa mère avaient été très matinales ce jour-là, à cause de leur départ de Saint-Antoine, et se sentaient fatiguées de leur journée. Tout le monde se retira donc de bonne heure.

Les jours suivants furent employés par Madame Gagnon et sa fille à faire le tour des principales maisons de commerce et aussi à visiter la ville, la jeune fille ne voulant pas reprendre le chemin de St-Antoine sans avoir une connaissance, sinon parfaite, au moins assez familière de Montréal. Cependant la veille de leur départ elles n’avaient pas terminé leurs achats. Toutes deux sortirent ensemble pour la dernière fois.

Elles cherchaient depuis assez longtemps, sans pouvoir trouver l’objet de leur désir, lorsqu’en arrivant près de la Place d’Armes, sur la rue Notre-Dame, elles furent assez gaillardement toisées par un jeune homme qui se trouvait sur leur chemin.

— Que cette petite fille est donc jolie ! s’écria-t-il tout haut, en regardant passer Mathilde.

Celle-ci rit sous cape ; mais il n’en fut pas ainsi de sa mère qui fut très vexée de l’insolence du jeune homme, lequel du reste ne parut, en aucune manière, préoccupé du mécontentement qui perça sur la figure de madame Gagnon.

L’incident n’eut pas de suite pour le moment, et peu