avec Pierre Hervart, l’heureux préféré de la jeune fille. C’était un beau gars, robuste et bien fait de sa personne ; ses manières cependant étaient quelque peu lourdes et gauches, comme le sont généralement celles des campagnards adonnés aux travaux des champs, et formaient un contraste frappant avec celles de la jeune fille. En effet, celle-ci n’avait en rien l’apparence des personnes de sa condition ; fille unique, elle n’avait jamais vaqué à aucun travail quelque peu difficile et qui eût fini par altérer ses traits délicats. Ces légers traits de dissemblance n’avaient, du reste, créé aucun obstacle à l’intimité qui n’avait cessé de grandir entre les deux fiancés, et si Pierre ne possédait pas toutes ces qualités extérieures, aucune nécessaire à rendre une femme heureuse ne lui faisait défaut.
Les familles Gagnon et Hervart étaient voisines, et cette circonstance avait naturellement contribué au développement des amours qui s’étaient, plus tard, déclarées entre Pierre et Mathilde. Un mot sur les vieux parents ne serait pas hors de saison. Louis Gagnon était moins riche que son voisin, mais comme nous l’avons déjà dit, il n’avait qu’un enfant, Joseph Hervart, au contraire, était père d’une nombreuse famille dont Pierre était l’aîné. Il était très aimé et considéré dans St-Antoine, et bien qu’il eût à peine dépassé l’âge mur, il avait rempli toutes les charges municipales de son village. Les deux familles avaient toujours été unies par les liens d’une amitié très rapprochée ; l’on peut donc concevoir facilement qu’elles voyaient venir avec joie le jour qui devait réunir leurs enfants par les liens du mariage, lequel était fixé au treize juillet suivant.