entre nous la plus violente querelle. Nous en vînmes aux mains et, après quelques instants d’une lutte acharnée, je parvins à renverser mon ennemi qui alla rouler à plusieurs pas, et se fracassa la tête sur une grosse pierre. La fracture était très grave et je le voyais diminuer péniblement ; bientôt il expirait. J’étais déjà un meurtrier ! Ma perplexité était extrême. Je ne savais que faire. La peur me saisit. J’ai déjà dit que j’étais seul ; je résolus de faire disparaître le corps de mon antagoniste sur le champ. Je pris un gros câble que j’avais apporté pour traîner jusqu’à ma voiture ce qu’on appelle du bois de grève, j’y attachai une pierre, celle-là même sur laquelle mon compagnon avait trouvé la mort, j’y joignis le cadavre du malheureux et, après m’être un peu éloigné du rivage dans une embarcation, je lançai le tout dans la rivière. Mon dessein était d’emmener avec moi la voiture du défunt et de raconter que je l’avais vue abandonnée sur le chemin, quand cet infâme Darcy, que j’apercevais pour la première fois, s’avança vers moi. Je restai stupéfait. Ce nouvel arrivant devait avoir assisté en secret au drame sanglant que je viens de vous raconter. Il s’aperçut de l’effet que sa présence produisait sur moi. Il jouit quelque temps de mon trouble, puis il prit la parole. « J’admire, dit-il, la merveilleuse habileté que vous savez déployer pour écarter les gens qui pourraient vous créer quelqu’ennui ; mais malheureusement pour vous, je suis maintenant maître de votre destinée. »
Évidemment le misérable avait eu connaissance de tout.