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Il est fini le joug créé par la démence
Des siècles fécondés sous le fumier des cœurs,
Spectre effaré, témoin de l’embuscade immense
Que la vie a tendue aux tragiques marcheurs !

Mêle au dernier rayon de mon âme expirante
Ta flamme qui décroît, ton masque plein de nuit ;
L’ombre oblique enveloppe enfin ta sphère errante :
Toi qui vis tant mourir, meurs dans le jour qui fuit !

Nul être, succombant sous ta ruine informe
Ne viendra plus grossir l’hécatombe du sort ;
Le Néant va régner sur ce désert énorme
Absorbant en lui seul — regret, désir, effort.

Nul ne saluera plus, Astre épuisé, tes flammes :
Dans l’abîme éteins-toi balayé par le vent !
Cendres de la Nature, et vous cendres des âmes,
Couvrez la dernière aube et le dernier vivant ! » —

Il dit, et se couchant près du brasier qui fume
Et des maigres tisons qu’étouffent les frimas,
Le dos au sol, la face au ciel, froid sous la brume,
Sur son cœur dédaigneux il croisa les deux bras.