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sur une borne, un homme trempait du pain dans un quart.

— Qui êtes-vous ?

— De la troisième compagnie… Je cherche le capitaine Stanislas, pour la patrouille.

— C’est moi.

À ce moment une voix tomba de là-haut :

— Ça remue près de la meule.

Le capitaine enfla la voix :

— Attention, pour un feu de salve. À gauche de la meule de paille… Joue… feu !

Un terrible craquement étourdit Gilbert. Il avait vu tout le long du talus, jaillir la mince bordure de flammes.

— Suivez la route jusqu’à l’arbre couché en travers, à cinq cents mètres… lui dit l’officier en se rasseyant. La patrouille vous attend.

Gilbert se hâta. Dans les ténèbres, on devinait la bergerie, grand bâtiment désert aux murs crevés de meurtrières. Plus loin, le talus s’amincissait surplombant à peine la route, et à cet endroit, un arbre était abattu. Gilbert s’arrêta et, le fusil croisé, mit un genou en terre. Du champ obscur une voix le héla :

— C’est toi, l’homme de la troisième ?… Viens.

Ils étaient cinq. Le derrière sur les talons, le caporal inspectait la nuit avec méfiance.

— Tu connais bien la route ?

— Oui, dit Gilbert, c’est par là…

Et d’un geste, il leur montra un coin de nuit.

— C’est là qu’ils ont fait un coup de main dimanche ? Le gars au fanion rouge ?

— Oui.