de sa femme qu’il était triste si souvent. Elle ne lui écrivait plus que de loin en loin, des lettres de dix lignes où elle disait par politesse : « J’espère que tu vas bien », mais sans s’inquiéter outre mesure. Jamais elle ne lui demandait s’il comptait bientôt revenir, ni pour combien de temps. Elle lui avait bien écrit qu’elle n’était plus au même atelier, mais sans lui apprendre où elle travaillait depuis, et, à toutes les questions qu’il lui posait, elle ne répondait jamais rien. On le voyait suer sur de longues lettres où il entassait pêle-mêle reproches et tendresses, mais elle n’en parlait même pas dans sa réponse.
Alors, il pensait en serrant brusquement les poings :
— Que j’arrive seulement en convalo… Qu’est-ce que je lui sonnerai !
Mais à la réflexion sa colère ne tenait pas.
— Si je joue au mariole et qu’elle me laisse tomber, calculait-il, c’est encore moi qui serai de la revue…
Depuis qu’il était guéri, la pensée de sa visite aussi l’inquiétait. Si on allait le garder service armé, le renvoyer au front ?… Il suivait avec un intérêt extrême les débats des conseils de réforme et de la commission des congés. Il interrogeait interminablement ceux qui venaient de passer, il suivait avec anxiété le baromètre des conseils, tendres aujourd’hui, sévères le lendemain, et intriguait auprès des secrétaires. Il connaissait déjà le nom de tous les majors, savait leurs manies, leurs préférences, et il avait une opinion bien arrêtée sur chacun, les trouvant d’autant plus savants qu’ils réformaient plus facilement.
Il recommençait à tousser, en se forçant un peu, il ne mangeait pas à sa faim et apprenait à marcher