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des fosses vides avaient définitivement accablé l’ancien cuisinier, dont le moral était déjà bien bas. Rien que sa façon de hocher la tête en répétant : « Je crois qu’ils nous ont… » aurait découragé un régiment à fourragère. Il raconta l’incident à Gilbert, exagérant le nombre des trous, et Sulphart ne trouva à ajouter que cette assurance réconfortante :

— Je te jure qu’il n’y aura pas de bousculade, tout le monde trouvera à se placer… Ah ! les tantes.

En mangeant, Bouffioux, taciturne, posait de loin en loin des questions inquiètes, qui révélaient le fond de sa méditation.

— D’après toi, est-ce que c’est vraiment si mauvais que ça comme secteur ? Est-ce que les brancardiers font bien leur boulot dans les coups durs ?… Est-ce sûr, seulement, qu’on doit attaquer ?… À ton idée, combien qu’il peut se faire descendre de types dans un truc comme ça ?…

Pour le rassurer, Maroux lui répondit :

— Peut-être plus de la moitié, on ne sait pas. Bouffioux, ainsi renseigné, ne demanda plus rien.

Il but son café – le café du maçon, clair comme de la petite bière – et couché sur le dos, il se mit à réfléchir. Je l’entendis soupirer :

— Si seulement on était sûr que les prisonniers soient bien traités…



À tâtons, sans bruit, le bataillon quittait les baraques Adrian où nous avions dormi une moitié de nuit et