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— Mais on ne va pas tout garder fermé ici, s’écria-t-il, on va au moins laisser la porte ouverte ?

Les autres le regardèrent étonnés.

— Non, t’es en chaleur… grogna Fouillard. La porte ouverte, tu veux donc nous faire crever ?

La pensée de dormir, entassé sur la paille avec ces hommes pas lavés, l’écœurait, l’épouvantait. Il n’osait pas le dire, mais, effrayé, il regardait Fouillard son voisin, qui, ayant déroulé sans hâte ses molletières boueuses, retirait ses gros souliers.

— Mais, c’est très malsain, vous savez, insista-t-il ; surtout qu’il y a de la paille fraîche… Cela fermente… Il y a eu des cas d’asphyxie, souvent… Cela s’est vu…

— T’en fais pas pour l’asphyxie.

Les autres étaient prêts à dormir, bien serrés pour se tenir chaud ; Sulphart cherchait à atteindre sa chaussure, pour abattre la bougie qui pleurait sur le bat-flanc. Accablé, le nouveau ne dit plus rien. À genoux devant la mangeoire, comme s’il priait le dieu des bêtes, il se mit à chercher un flacon dans sa musette.

— Gare la casse ! cria Sulphart.

Et son godillot bien lancé emporta la bougie dans le noir…

— Bonne nuit tout le monde.

Demachy, à tâtons, s’enveloppa maladroitement dans sa couverture, et le visage enfoui dans son mouchoir arrosé d’eau de Cologne, il ne bougea plus. L’odeur se répandit vite dans l’écurie. Le premier, Vairon s’étonna :

— Mais ça pue. Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Ça sent le coiffeur.