Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous parvinrent, coup sur coup, puis des plaintes hurlées à la lisière du bois. Il avait bien distribué ses sodas.

Comme il rentrait dans la tranchée, le lieutenant Berthier arriva, précédant la relève. Déjà nous mettions sac au dos, prêts à partir.

— Ah ! je suis content, nous dit-il… Vous voyez qu’il ne fallait pas se désespérer. C’est fini.

— On n’est pas encore parti, trembla Fouillard.

— Sauter maintenant, ça serait vraiment pas de veine, remarqua posément Lemoine.

Les coups, réguliers, nous parvenaient, rassurants malgré tout. Mais ce n’était plus la pioche qu’on guettait, c’était la relève. Une rumeur assourdie nous avertit.

— La relève… Entrez dans la grotte pour dégager. Je me charge des consignes, nous dit Berthier.

Nous regardâmes passer les hommes, d’un régiment inconnu. Ils étaient dix seulement, et quatre mitrailleurs. Le dernier s’arrêta, nous ayant devinés dans l’ombre de la galerie.

— Alors, ils creusent une mine en dessous ?… On est sûrs de sauter. Tu parles, quatre jours…

Tous ensemble, nous cherchâmes à le rassurer :

— Y a pas de raison… Regarde, nous autres, on y est bien resté… C’est long, ces trucs-là… Faut pas s’en faire.

Mais, par-dessus son sac, nous guettions le lieutenant, des frémissements dans les genoux, tant nous étions pressés de partir. Fouillard, on ne sait comment, avait déjà disparu. Berthier revint enfin.

— En route !… Bonne chance, mes petits.