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Et tranquillement, il s’endormit.

On allait souffler la bougie quand le lieutenant Berthier reparut, accompagné d’un adjudant du génie. Tout le monde fut aussitôt sur pied et l’on se tassa dans la galerie. Le premier mot que nous saisîmes fut :

— Nous nous en doutions.

Fouillard eut un tic qui lui tira l’œil.

L’adjudant s’était allongé, l’oreille contre terre, les yeux fermés. Nos silences écoutaient avec lui. Il se releva, brossa d’une tape sa capote blanche de craie, et repartit avec Berthier sans rien nous dire ; pas un mot.

— C’est qu’il n’y a pas encore de danger, supposa Lemoine.

— C’est que nous allons sauter, prédit Sulphart.

On se coucha, pourtant. Et l’on dormit. Berthier revint au petit jour ; il avait un air triste, un air soucieux qu’on ne lui connaissait pas et qui nous inquiéta tout de suite. Que savait-il ? Il entendit encore piocher, sans coller son oreille à terre, car les coups, à présent, nous parvenaient plus distincts. Nous nous sentions troublés par un pressentiment vague, une crainte confuse. Berthier releva la tête :

— L’escouade de Bréval, rassemblement.

Il nous regarda tous, de son profond regard de brave homme, puis arrêtant ses yeux sur Bréval seul, qui, depuis sa coupure, portait un pansement autour du cou, comme un faux col, il lui dit :

— Comme vous l’aviez deviné, les Allemands creusent une mine. Le génie va peut-être venir pour faire une sape, mais la leur doit être bien avancée pour qu’on puisse la couper. Alors… n’est-ce pas… il est