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des heureux effets du schrapnell « qui vous écrase la tétère comme une tomate ». On s’entretient de la mort avec la tranquille indifférence des fossoyeurs : elle a, d’un coup, perdu tout son prestige…



Nous n’avons jamais été si nombreux que ce matin. De La Tour-Maubourg, on a renvoyé une trentaine de réservistes, oubliés sur les listes, qui traînent, depuis trois jours, la musette plate, de bastion en bastion, sans savoir où coucher. Beaucoup de volontaires ont amené des camarades, et le couvreur vient d’arriver avec une bande bruyante de sans travail qu’il a racolés dans son quartier.

— Hé ! les copains, beugle-t-il, tous les chantiers sont fermés, c’est ici la dernière usine où qu’on embauche.

Ceux-ci organisent leur départ au régiment comme une vraie partie de plaisir, une vaste ribouldingue dont l’État fera les frais. Un promet :

— Je vous ferai la cuisine, moi. Vous verrez comment qu’on se tapera la tête.

Un petit créole, qui patiente avec nous depuis le premier matin, est venu avec quatre autres pays chauds — des étudiants sans doute — et blottis les uns contre les autres, souriants et souffreteux, ils ont l’air de grelotter dans un coin de cage.

Par-dessus la barrière, on interroge le factionnaire, qui demande du tabac.