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ses petits avantages. On nous donnait des cigarettes pour nous faire raconter — avec des détails inédits — l’attaque du 16 février, et, parfois, on ramassait même une pièce de vingt sous, quand le monsieur avait été content. De temps en temps on nous photographiait, dans des attitudes mémorables de héros prêts à tout. Mais, de préférence, on faisait poser Lousteau, parce qu’il avait l’air d’un trappeur, et le caporal Roubion, parce que c’était le plus sale.

Tout le pays connaissait la mine, son emplacement exact, sa longueur ; on en parlait chez tous les débitants, à cinq lieues à la ronde ; les paysans nous demandaient poliment de ses nouvelles quand nous descendions au repos, et les Allemands eux-mêmes, j’imagine, devaient se la passer en consigne lorsqu’ils changeaient de secteur.

Depuis six semaines qu’elle était finie, on avait dû la faire sauter dix fois, — les compagnies déjà prêtes à l’attaque, musettes à grenades bourrées, — mais, au dernier moment, la date de l’inauguration était toujours remise, et chaque régiment qui prenait les tranchées souhaitait, sans égoïsme, que cette cérémonie fût réservée à ceux qui les relèveraient. Le général, sans doute, la conservait comme attraction.

Jamais il n’était venu tant de visiteurs que depuis trois jours ; la mine, vraiment, ne désemplissait pas, et, comme l’avait judicieusement fait observer Lousteau, « il ne manquait plus que les Boches » …

Ils vinrent aussi…