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— Pour quand, l’attaque ?

— J’espère que mon cliché sera bon…

— Ils se défendront, vous savez.

— Dame on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs…

C’était nous, les œufs… La mine que les officiers venaient de visiter était la curiosité du secteur. Le général en était très fier et, de l’avis du génie qui l’avait creusée, c’était une merveille, le modèle du genre.

Elle était haute, large, solidement étayée, avec un ventilateur pour renouveler l’air jusqu’au fond et une pompe pour épuiser l’eau. À cinquante mètres de l’entrée, on entendait au-dessus de sa tête le pas pesant des « Fritz », et cela procurait chaque fois une petite émotion au visiteur.

— Ce sont les Allemands, vraiment ? disait-il, la voix étouffée.

Et il regardait religieusement le plafond, n’ayant jamais approché les Boches de si près.

On venait à la mine en pèlerinage ; le quartier général y envoyait tous les matins des visiteurs très gradés — parfois des civils qui, parmi nous, faisaient figure de déguisés — tous les officiers d’état-major et d’intendance y venaient prendre des photographies et nous n’étions tranquilles que les jours de pluie ou de marmitage, ces messieurs n’aimant pas les éclaboussures.

Pourtant, si nous étions continuellement sur le qui-vive, craignant toujours l’arrivée du colonel pour un pèlerin de marque, notre position stratégique, à l’entrée du boyau de la mine, avait