Page:Dorchain - L’Art des vers, 1921.djvu/415

Cette page n’a pas encore été corrigée


Quelquefois tu t’es plaint qu’il te manquait des heures,
Mais alors fuyais-tu le monde et tous ses leurres
Pour écouter en paix les voix intérieures ?…

C’est quand le bruit s’est tu, quand le ciel s’est voilé,
Que de son chant profond, dans l’espace envolé,
Le rossignol emplit le silence étoilé.


II

Quant aux muets amis, les livres, fais la somme
De tous ceux qu’en un jour, pour un jour, on renomme,
Et sois, encore ici, de ton temps économe.

Trop de faits et de mots, dans le plus vain écrit,
Obsèdent la mémoire et dissipent l’esprit,
Et sur tant de gravier rien ne germe et fleurit.

Mais rouvre les chefs-d’œuvre où se sont cadencées
La grâce, la vertu, les amours, les pensées
Des siècles abolis et des races passées ;

Car du pain des héros ceux-là te nourriront
Et, pour les fiers desseins ébauchés sous ton front,
Ce qu’il te faut savoir, ceux-là te l’apprendront.

Apprends d’eux à choisir le rare et noble thème,
À ne vêtir jamais de la forme suprême
Rien que d’essentiel au regard de toi-même.

N’est-il pas d’art plus digne et de métier plus beau
Que d’aller, jour à jour, et lambeau par lambeau,
Labourer tristement son cœur et son cerveau ?