Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/99

Cette page n’a pas encore été corrigée


Son regard est brûlant, son ame est éperdue :
Aux levres de Cypris sa bouche est suspendue ;
Et de son œil guerrier, où brillent les desirs,
Coulent ces pleurs si doux, que l’on doit aux plaisirs.
Raphaël et Rubens ont droit à votre hommage :
C’est quand l’acteur peint bien qu’il nous plaît davantage.
Lorsqu’un chantre fameux, une lyre à la main,
Exerçoit des accords le pouvoir souverain,
Et par une harmonie, ou belliqueuse ou tendre,
Maîtrisoit le génie et l’ame d’Alexandre,
Échauffoit ses transports, l’enivroit tour-à-tour
De douleur, de plaisir, de vengeance et d’amour,
Lui faisoit à son gré prendre ou quitter les armes,
Pousser des cris de rage, ou répandre des larmes ;
Rallumoit sa fureur contre Persépolis,
Ou le précipitoit sur le sein de Thaïs,
Puis-je croire qu’alors un front plein d’énergie,
De ces divers accens n’aidât point la magie ?
Les regards de l’Orphée, altiers, sombres touchans
Peignoient les passions, mieux encor que ses chants ;
Dans tous ses mouvemens respiroit le délire :
Son geste, son visage accompagnoit sa lyre,
Et de son action l’éloquente chaleur
Transmettoit à ses sons la flamme de son cœur.
L’organe le plus beau, privé de cette flame,
Forme un stérile bruit qui ne va point à l’ame.