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L’amante de Titon, pour fixer nos amours,
Doit avoir la fraîcheur du matin des beaux jours ;
Et sous les pampres verds dont Bacchus se couronne,
Le plaisir doit briller dans les yeux d’érigone.
Que la taille et le port soient toujours adaptés
Aux rôles différens que vous représentez.
Des colosses hautains, dont l’amour fuit les traces,
Pourront-ils badiner sous le corset des graces ?
La naine pourra-t-elle, avec l’air enfantin,
Me retracer Pallas une lance à la main ?
Et l’orgueil menaçant d’une reine en colere
Conviendra-t-il au front d’une simple bergere ?
Sachez, quand il le faut, varier votre ton,
Sévere dans Diane, emporté dans Junon.
Vous sur-tout qui voulez, dans vos fureurs lyriques,
Ressusciter pour nous ces paladins antiques,
Tous ces illustres fous, ces héros fabuleux ;
Soyez, à nos regards, gigantesques comme eux.
C’est peu de m’étaler une jeunesse aimable ;
Je hais un Amadis, s’il n’est point formidable.
Quand Roland déracine, en ses fougueux accès,
Ces chênes orgueilleux, ornemens des forêts,
Je veux que, déployant une haute stature,
Il enrichisse l’art des dons de la nature.
S’il n’en impose point à l’œil du spectateur,
Si je ne confonds point le modele et l’acteur,