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Les rôles ingénus veulent de la décence.
L’actrice s’embellit par un air d’innocence.

L’amour doit y briller, mais doux et désarmé :
Songez qu’il vient de naître, et qu’il n’est point formé.
Le soleil, en naissant, n’échauffe point encore,
Et semble se jouer sur les monts qu’il colore.
Exprimez dans vos yeux l’enfance du desir,
Et d’un cœur étonné qui s’éveille au plaisir.
Il faut que votre voix, en peignant votre flame,
En sons mélodieux se fasse entendre à l’ame.
Offrez-nous, s’il se peut, ce timide embarras
Que donne la nature, et qu’on n’imite pas,
Ce front baissé toujours, et qui rougit sans cesse,
Cette grace naïve, atour de la jeunesse.
Ah ! Ne l’offusquez point par de vains ornemens.
Une rose suffit pour orner le printems.
Nous représentez-vous la tendre Zénéide,
Qui s’indigne et gémit sous un masque perfide ?
Marquez-nous ce dépit et ce ressentiment :
C’est une nymphe en pleurs, qu’outrage son amant,
Qui résiste, qui craint de le voir infidelle,
Qu’il soupçonne être laide, et qui sait qu’elle est belle.
Quel voile peut cacher ces douloureux combats,
Et l’orgueil d’une amante, et sur-tout ses appas ?
Que votre jeu soit vif, qu’il peigne vos alarmes,
Et qu’à travers le masque, on découvre vos charmes.