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Ces aimables mortels, dont les noms adorés
Sont aux fastes des jeux pour jamais consacrés,
Arbitres délicats des plaisirs de l’autre âge,
De la divine orgie avoient admis l’usage,
Chez les Aubry du tems passoient les jours entiers,
Et puisoient dans le vin l’oubli des créanciers.
Craignez de travestir, baladins subalternes,
Ces libertins titrés, en buveurs de tavernes.
Faites-en des Chaulieux et des Anacréons,
À qui tous les amours ont servi d’échansons.
Que toujours, à travers les brouillards de l’ivresse,
Malgré tous vos écarts, le courtisan paroisse ;
Et ne confondez point, dans vos pesans croquis,
Le délire d’un rustre et celui d’un marquis.
Bellecourt de ces traits a saisi la finesse.
Son bachique enjoûment n’est jamais sans noblesse ;
Soit que, quittant la table encor tout délabré,
D’un essain de buveurs il revienne entouré,
Étourdir un vieillard par des discours sans suite,
Et lui balbutier des leçons de conduite ;
Ou soit que, plus rassis, et gaîment indiscret,
Il démasque en riant l’usurier Turcaret.
Vous que l’âge a mûris et rendu plus séveres,
Essayez vos talens dans les rôles de peres.
C’est là qu’enfin Thalie ose élever la voix,
Et que le cœur ému peut reprendre ses droits.