De ces mortels grossiers apprends l’art de nous plaire ;
Tous leurs traits sont frappans, et rien ne les altere.
Ici, c’est un vieillard de rides sillonné,
Et d’un essain d’enfans toujours environné.
Courbant son corps usé sur un bâton rustique,
Il se fait craindre encor par sa gaîté caustique.
Chacun à ses dépens veut en vain s’égayer ;
Des rieurs prévenus il rit tout le premier.
Voyez-vous ce Silene, au dos rond et convexe,
Heurter tous ses voisins de son pas circonflexe,
Injurier cet arbre, et prêt à trébucher,
Manquer toujours le but qu’il va toujours chercher ?
Plus loin, deux champions furieu, hors d’haleine,
S’arment, les poings fermés, pour quelque grosse Hélene.
Tel objet est choquant dans la réalité,
Qui plaît au spectateur, s’il est bien imité.
Vadé, pour achever ses esquisses fideles,
Dans tous les carrefours poursuivoit ses modeles ;
De ce costume agreste ingénu partisan,
Interrogeoit le pâtre, abordoit l’artisan.
Jaloux de la saisir sans masque et sans parure,
Jusques aux Porcherons il chercha la nature.
Étoit-il au village ? Il en traçoit les mœurs,
Trinquoit, pour les mieux peindre, avec des racoleurs ;
Et changeant, chaque jour, de ton et de palette,
Crayonna, sur un port, Jérôme et Fanchonnette.
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