Va ravir de son art les plus nobles secrets.
Les préceptes de l’art sont toujours arbitraires.
Ceux-ci semblent trop doux, et ceux-là trop séveres ;
Et l’on a vu souvent de graves précepteurs,
En donnant des leçons, consacrer des erreurs.
La nature elle seule est un guide fidelle,
Et tous les vrais talens sont éclairés par elle.
Occupé du spectacle, et non des spectateurs,
Faites toujours valoir vos interlocuteurs.
Pour laisser de chacun ressortir la partie,
Étudiez des tons l’heureuse sympathie.
Lorsque l’un s’affoiblit, l’autre devient trop fort.
Comme dans un concert, il faut prendre l’accord.
De la tradition rejetant la chimere,
Jouez d’après votre ame et votre caractere.
Comment fixer des tons d’âge en âge transmis ?
À ces bizarres loix Dorilas fut soumis.
Sans cesse il consultoit ce miroir infidele,
Que le tems, chaque jour, obscurcit de son aile.
Servile imitateur, bouffon fastidieux,
Il n’auroit point osé se montrer à nos yeux,
S’il n’eût de son aïeul arboré la rondache,
Les antiques canons, et sur-tout la moustache.
Il mettoit son orgueil à le représenter ;
Répétoit ses accens qu’il s’étoit fait noter ;
De rien imaginer affectoit le scrupule,
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