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Mais lui seul voit, saisit, et peint les ridicules.

Osez donc vous connoître, et vous interroger.
Enlevez au public le droit de vous juger.
N’allez point sur la scene étaler votre enfance,
Au parterre assemblé prouver votre ignorance,
D’un rire avilissant provoquer les éclats,
Balbutier des vers que vous n’entendrez pas,
Végéter et vieillir dans cette ignominie,
Salaire accoutumé des bouffons sans génie.
Mais ce n’est point assez de ce feu créateur :
Tremblez ; l’homme d’esprit est loin du grand acteur.
Tel croit être formé, qui ne fait que de naître.
Pour peindre la nature, il faut la bien connoître ;
En tout tems, en tous lieux, il faut la consulter,
La consulter encore, et puis la méditer.
Elle est belle, féconde, et sublime à tout âge.
Dans les jeux de l’enfance épiez son langage :
Observez les vieillards et leur air ombrageux,
Du jeune homme inquiet les desirs orageux,
L’épouse avec l’époux, le fils avec le pere,
Et la fille attentive aux leçons de sa mere.
C’est là que l’on saisit ce ton de vérité,
Que l’effort du travail n’a jamais imité.
C’est là que l’on se rit de ces jeux froids et tristes,
De ces vils histrions, l’un de l’autre copistes,
Et que l’acteur entr’eux comparant les objets,