Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée


Chacun de ces effets est votre heureux ouvrage ;
Chaque larme versée est pour vous un hommage.
Vous tenez dans vos mains le fil des passions ;
Tout un peuple obéit à vos impressions.
Nous ressentons vos feux, nos transports sont les vôtres,
Et le cri de vos cœurs retentit dans les nôtres.
Je sais qu’un sage illustre, un mortel renommé,
Qui hait tous les humains, lorsqu’il en est aimé,
Dans un de ces accès, où leur aspect l’offense,
Déchaîne contre vous sa farouche éloquence.
Contre lui cependant je dois vous rassurer :
Un sage n’est qu’un homme ; il a pu s’égarer.
Le monde à ses regards prend un aspect sauvage ;
Ne peut-on s’en former une riante image ?
Des crédules humains précepteurs rigoureux,
Pourquoi nous envier nos mensonges heureux ?
Ah ! Laissez-nous du moins une douce imposture.
L’ingénieuse erreur embellit la nature ;
Et nous ôter nos arts, nos talens enchanteurs,
C’est ravir à la terre, et ses fruits et ses fleurs.
Sachez donc repousser de frivoles atteintes ;
Déjà les vents légers ont emporté ses plaintes.
Tout sévere qu’il est, on peut le désarmer.
Opposez-lui des mœurs, il va vous estimer.
Ce n’est pas que je veuille, en sage atrabilaire,
Fermer vos jeunes cœurs au desir de nous plaire ;