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Déjà la parque avide, au milieu de leur cours,
Charmante Le Couvreur, avoit tranché tes jours.
Un poignard sur le sein, la pâle tragédie
Dans le même tombeau se crut ensevelie ;
Et foulant à ses pieds les immortels cyprès,
D’un crêpe environna ses funebres attraits.
Une actrice parut : Melpomene elle-même
Ceignit son front altier d’un sanglant diadême.
Dumesnil est son nom : l’amour et la fureur,
Toutes les passions fermentent dans son cœur :
Les tyrans à sa voix vont rentrer dans la poudre ;
Son geste est un éclair ; ses yeux lancent la foudre.
Quelle autre l’accompagne, et parmi cent clameurs,
Perce les flots bruyans de ses adorateurs ?
Ses pas sont mesurés, ses yeux remplis d’audace,
Et tous ses mouvemens déployés avec grace :
Accens, gestes, silence, elle a tout combiné ;
Le spectateur admire, et n’est point entraîné ;
De sa sublime émule elle n’a point la flame ;
Mais, à force d’esprit, elle en impose à l’ame.
Quel auguste maintien ! Quelle noble fierté !
Tout jusqu’à l’art, chez elle, a de la vérité.
Vous devez avec soin consulter l’une et l’autre,
Et puiser dans leur jeu des leçons pour le vôtre ;
Mais votre premier maître est sur-tout votre cœur.
Soyez toujours vous-même aux yeux du spectateur.